VIE DE BUREAU - Classer les salariés en trois catégories: ceux qui dépassent les attentes de leur manager, ceux qui remplissent les attentes, ceux qui ne parviennent pas aux objectifs fixés. Règle supplémentaire, des quotas sont pré-définis pour classer chaque salarié dans ces trois groupes: les meilleurs dans leur travail doivent représenter 20% des salariés, les deuxièmes, 70% et les derniers, 10%.
Après plusieurs mois d'enquête, France Inter a découvert que la pratique du "ranking forcé" avait cours dans l'une des plus importantes entreprises françaises, les laboratoires pharmaceutique Sanofi. Cette enquête, diffusée ce vendredi 9 juin, s'appuie sur des mails privés et des témoignages anonymes de cadres. L'enquête montre comment le groupe pharmaceutique a "poussé gentiment" des salariés à quitter l'entreprise à cause de leur mauvais classement.
Interdit en France depuis 2013
Cela s'appelle le "forced ranking", (littéralement le classement forcé). Et cette pratique est interdite en France. Interdite, car elle vise à volontairement mal noter certains salariés tout à fait performants pour pouvoir remplir dans les quotas décidés par la hiérarchie. Il s'agit aussi d'une façon d'alléger la masse salariale en licenciant pour "insuffisance professionnelle" au terme du classement.
Depuis mars 2013 et un arrêt de la cour de cassation, le ranking forcé est interdit. Cette procédure visait la société Hewlett Packard France. La cour de cassation a reconnu qu'outre le fait que les salariés n'était pas jugés sur leurs performances, ce système d'évaluation était "susceptible de générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail".
Il faut dire que ce système, au-delà de ses répercussions sur les salariés, peut aussi avoir des conséquences sur l'entreprise. En 2012, ce système d'évaluation avait été pointé du doigt, pour, en partie, expliquer les mauvais résultats de Microsoft à partir du début des années 2000.
Le cas Microsoft
Dans une enquête publiée dans la version américaine de Vanity Fair, de nombreux employés de la firme dénonçaient l'injustice de ce système et les conséquences dramatiques qu'il a eu sur la productivité et la compétitivité de l'entreprise. L'auteur de cette enquête l'a ainsi désigné comme l'un des "systèmes les plus destructeurs au sein de Microsoft, une chose qui a fait partir nombre d'employés".
Une système malgré tout justifié par la DRH de Sanofi France qui n'hésite pas à dire au micro de France Inter: "Dans une distribution normale, on va retrouver environ 20% des salariés qui sont au-delà des attentes, 70% des cadres qui remplissent les objectifs et entre 6 à 8% qui sont en dessous des attentes. Si un manager n'a personne en dessous des attentes, c'est qu'il y a probablement un petit problème dans l'évaluation de la performance".
Mesurer la performance de ses salariés est un exercice difficile. Chez Google, les objectifs à atteindre sont définis par le salarié lui-même puis revus par son supérieur. Des "key results" sont associés à chaque objectif pour quantifier la performance de chacun. Ces derniers peuvent être modifiés dans le temps. Par ailleurs, de plus en plus d'entreprises ont aussi abandonné l'entretien annuel, au profit d'entretiens plus réguliers. C'est le cas par exemple de... Microsoft.
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