Chauffeurs de bus et de tramway agressés et molestés pour avoir demandé à leurs passagers de porter le masque, policiers renversés par ceux qu’ils avaient arrêtés pour des contrôles de vitesse, père de famille tabassé dans une laverie pour s’être étonné de l’absence de port du masque, faits de racismes répétés et avérés… bien plus que la crise sanitaire, c’est l’implosion sociale qui menace notre pays en cet été 2020.
Si l’emploi du terme “ensauvagement” peut heurter par l’animalisation qu’il fait de ceux qu’il vise, et doit être utilisé avec nuance du fait de sa connotation à l’extrême droite, il décrit néanmoins avec une certaine justesse un état dans lequel l’ordre républicain n’est plus compris ni respecté. La crise sanitaire inédite que le pays traverse a mis en lumière des fragilités dans notre pacte social: la crise de l’insécurité n’est pas nouvelle et s’il va de soi qu’il faut renforcer les moyens de la police et de la justice, nous ne pourrons pas “mettre un policier derrière chaque Français”.
Dès lors inévitablement les citoyens auront, individuellement et collectivement, une responsabilité dans le délitement ou la renaissance du lien social dans le pays. S’il apparaît comme une évidence que nos dirigeants publics devront répondre à la crise sanitaire, la crise sociale et la crise de confiance démocratique qui se sont installées dans le pays, les citoyens aussi devront prendre leur part. Trop longtemps, par facilité ou par lâcheté, nous avons pointé du doigt uniquement nos politiques, mais nous sommes tous responsables.
C’est bien à un repli égoïste et narcissique que la société fait face. Ces incivilités et ces délits qui se répètent chaque jour en France dessinent le tableau d’un pays en voie de morcellement, où plus personne ne serait prêt à renoncer à un peu de bien-être pour renforcer celui du collectif: porter le masque peut, de surcroît en période de canicule être particulièrement désagréable, mais le faire c’est se protéger soi-même et surtout protéger les autres!
La crise des consentements, à l’autorité, à l’impôt, au monopole de la force légitime, au processus démocratique est bien plus grave qu’elle n’y paraît parce qu’elle pose l’ultime question, dont toutes les autres découlent: pourquoi (et comment) vivre ensemble? Les politiques conjoncturelles, économiques, sociales, environnementales, etc., sont toutes menées au nom et pour l’intérêt général, mais si cet intérêt général n’est plus correctement identifié, si le corps social ne consent plus, à tort ou à raison, au pacte social et démocratique, alors il faut le questionner pour le transformer, sous peine de le voir disparaître définitivement.
C’est bien les contours de la nouvelle citoyenneté française qu’il nous appartient de manière impérieuse de dessiner. Si bien sûr il faudra des politiques concrètes dans les domaines régaliens, nous ne ferons pas l’économie d’un débat, dans le cadre par exemple d’Etats généraux de la citoyenneté, sur ce que nous sommes, ce que nous voulons être, et sur la place de chacun dans la République.
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