BETTENCOURT - Françoise Bettencourt Meyers l'a annoncé ce jeudi soir dans un communiqué de presse: Liliane Bettencourt est décédée dans la nuit à son domicile, elle est "partie paisiblement".
Coïncidence, c'est ce jeudi vers 14h qu'on a connu l'épilogue d'un énième procès de l'affaire Bettencourt, la justice bordelaise ayant relaxé en appel cinq journalistes poursuivis pour "atteinte à l'intimité de la vie privée" de Liliane Bettencourt, et estimé que son ex-majordome avait enregistré illégalement la milliardaire pour la protéger et n'était donc "pas pénalement responsable".
Paradoxe de ce volet de l'affaire, les "écoutes" clandestines réalisées chez l'héritière de L'Oréal par son ancien domestique Pascal Bonnefoy, 53 ans, ont en effet servi à poursuivre certains proches de la vieille dame pour "abus de faiblesse".
En première instance, une relaxe générale avait été prononcée en faveur des cinq journalistes et de l'ex-majordome, mais le parquet de Bordeaux avait fait appel.
Liliane Bettencourt, partie civile qui "n'avait formulé aucune demande en première instance", n'a pas non plus suivi l'appel du parquet, "acquiesçant donc au jugement et à cette relaxe" générale, peut-on lire dans l'arrêt publié jeudi. Deux arguments martelés par les avocats des six prévenus lors du procès en appel, en juin dernier, trois mois avant le décès de l'héritière.
De simples amendes de principe avaient finalement été requises en appel contre les six prévenus.
Pascal Bonnefoy était poursuivi pour avoir enregistré à son insu la milliardaire à son domicile entre mai 2009 et mai 2010. Des extraits de ces enregistrements avaient ensuite été retranscrits par Médiapart et Le Point en juin 2010.
Ils révélaient notamment la santé déclinante de Liliane Bettencourt, mais aussi des soupçons de fraude fiscale et d'immixtions politiques. Ces écoutes clandestines avaient fait basculer un simple conflit de famille en une affaire d'Etat. Une plainte pour "atteinte à l'intimité de la vie privée" avait alors été déposée.
Outre Pascal Bonnefoy, étaient également poursuivis pour Mediapart Edwy Plenel, Fabrice Arfi et Fabrice Lhomme, et pour Le Point le journaliste Hervé Gattegno et son directeur de publication de l'époque, Franz-Olivier Giesbert.
Dans son arrêt, la cour d'appel a considéré que les journalistes n'avaient "pas eu intention de porter atteinte à l'intimité de la vie privée" de l'héritière de L'Oréal. Les enregistrements relayés par la presse, ont même eu aux yeux des juges "un caractère effectivement décisif (...) pour la recherche de la vérité" dans l'affaire Bettencourt.
"Etat de nécessité"
Ces "écoutes" pirates avaient servi à condamner l'entourage de l'héritière de L'Oréal pour "abus de faiblesse", notamment son "confident", le photographe François-Marie Banier.
"Même si, avec loyauté, Pascal Bonnefoy a admis que sa démarche en mai 2009 était au départ de se protéger lui-même, il avait déjà depuis plusieurs mois perçu l'influence grandissante que prenait François-Marie Banier dans la maison Bettencourt, dont à l'évidence, il ne pouvait cacher qu'elle lui paraissait malsaine", souligne ainsi l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux.
Pour la justice, Mme Bettencourt a donc "finalement été protégée malgré elle par l'acte accompli" par son majordome, qui remplit ainsi toutes "les conditions relatives à l'état de nécessité et n'est pas pénalement responsable des actes qu'il a commis".
En première instance, le tuteur de la milliardaire, Olivier Pelat, avait lui-même fait l'éloge de Pascal Bonnefoy, évoquant "un homme bien qui a fait ce qu'il fallait faire" pour protéger sa patronne placée sous tutelle depuis.
Pascal Bonnefoy n'en a pas fini avec la justice: une procédure pour "atteinte à l'intimité de la vie privée" après une plainte, cette fois, de François-Marie Banier, est toujours pendante à Bordeaux.
A Paris, le parquet a requis un non-lieu général dans la procédure pour subornation de témoin dans laquelle Françoise Bettencourt Meyers, fille de la milliardaire, a été mise en examen. Elle était soupçonnée d'avoir accordé un prêt à l'ex-comptable de sa mère, Claire Thibout, témoin-clé de l'accusation dans le dossier d'abus de faiblesse.
Quelques mois avant ces réquisitions, François-Marie Banier et Françoise Bettencourt-Meyers ont toutefois passé un "accord" pour mettre un terme à leurs "litiges". Il revient désormais au juge d'instruction d'ordonner un procès ou de prononcer un non-lieu.