POLITIQUE - Arrivé mercredi soir à Buenos Aires avec son épouse, Emmanuel Macron effectue ce jeudi une visite officielle dans la capitale argentine où il rencontrera son homologue Mauricio Macri. Escapade bucolique en hélicoptère sur le delta du Parana, visite de la Fondation Borges, détour par la célèbre librairie El Ateneo Grand Splendid... Le programme alléchant de cette première visite du président français en Amérique du sud sonne comme une parenthèse enchantée dans le climat tendu qui empoisonne la scène politique hexagonale.
Le chef de l'Etat devrait d'ailleurs rapidement redescendre sur terre ce vendredi en participant à une réunion du G20 qui s'annonce compliquée tant les tensions internationales se sont accumulées ces derniers mois, sur fond de guerre commerciale et de disputes territoriales.
Ce sommet devrait en effet être dominé par des affrontements bilatéraux : guerre commerciale États-Unis-Chine, menaces du président américain de taxer les voitures européennes et tensions américano-russes après l'arraisonnement par Moscou de navires ukrainiens. De quoi décourager Emmanuel Macron, champion autoproclamé du multilatéralisme et de la négociation diplomatique, qui redoute désormais que les grand-messes de concertation internationales, où les puissances accordent traditionnellement leurs violons, ne soient à l'avenir vouées à la cacophonie.
Vers un blocage des forums multilatéraux
Au G20 de Buenos Aires, "le risque est celui d'un tête-à-tête entre la Chine et les Etats-Unis et d'une guerre commerciale destructrice pour tous", a averti Emmanuel Macron dans une interview accordée ce jeudi au quotidien argentin La Nacion. Sur le climat comme sur le commerce, "ce qu'on risque, c'est le blocage des forums multilatéraux comme le G20", a-t-il ajouté.
Fragilisation de l'ONU, "délitement de l'Organisation mondiale du commerce", crise identitaire de l'Union européenne... Le constat n'est guère réjouissant. Autre mauvaise nouvelle pour ces réunions annuelles, le Brésil, où vient d'être élu le climatosceptique Jair Bolsonaro, a annoncé mercredi qu'il renonçait à organiser la COP25 en 2019, à quelques jours du début de la COP24 en Pologne.
"Si nous ne montrons pas des avancées concrètes, nos réunions internationales deviennent inutiles et même contreproductives", met en garde Emmanuel Macron. Une manière de sommer l'alarme et de se poser une fois encore en artisan du dialogue avec une Amérique latine elle-même en proie à la montée des nationalismes et des populismes.
"La réforme du système multilatéral, la lutte contre les inégalités, la promotion d'un agenda international ambitieux pour protéger la biodiversité et lutter contre le dérèglement climatique sont autant de sujets sur lesquels la France et l'Amérique latine parlent d'une même voix", a déclaré le chef de l'Etat au journal argentin La Nacion.
Si le président français se tourne vers l'Amérique du Sud, c'est aussi parce que les relations avec l'Amérique du Nord se sont considérablement refroidies depuis la participation boudeuse de Donald Trump aux cérémonies du 11 novembre à Paris.
Non content d'avoir pourri l'ambiance par ses tweets incendiaires en marge de cette célébration de la paix, le président américain a récidivé à plusieurs reprises en ciblant nommément son homologue français, allant même jusqu'à évoquer les incidents en marge du mouvement des gilets jaunes.
Jusqu'ici, Paris a répondu avec un mépris poli aux provocations du milliardaire américain, dont les outrecuidances mettent à mal l'équilibre de l'ordre mondial. Mais, signe qui ne trompe pas, aucune rencontre bilatérale n'a été programmée entre les deux chefs d'Etat pendant ce G20. Jusqu'ici, les deux "amis" s'étaient toujours vus en tête-à-tête dans de tels sommets.
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